λ-photonique TeraHertz

Augmenter les interactions champ THz-matière jusqu'à l'échelle nanométrique

La spectroscopie THz est un outil puissant pour étudier les matériaux, mais les objets biologiques posent de nombreux défis. En particulier, en raison de leur petite taille, généralement inférieure à la longueur d'onde du rayonnement THz (allant de dizaines de micromètres à des millimètres), les objets biologiques, parmis lesquels; les protéines de taille nanométrique, les virus, les bactéries et même les microcristaux de protéines, un standard utilisés pour l'étude des protéines, interagissent faiblement avec les faisceaux THz, ce qui les rend difficiles à mesurer. Cela explique les succès limités quant l'utilisation de la spectroscopie THz pour les macromolécules biologiques jusqu'à récemment.

Les chercheurs ont développé plusieurs stratégies pour surmonter ce défi, avec par exemple la microscopie en champ proche. Dans notre groupe, nous explorons l'utilisation de la photonique intégrée. Cette approche utilise des dispositifs où la lumière est confinée dans des modes dont la taille peut être aussi petite que la longueur d'onde divisée par l'indice de réfraction le plus élevé utilisé dans la conception. Un avantage clé de la gamme THz est la perte métallique relativement faible par rapport aux fréquences plus élevées. Cela nous permet de concevoir des dispositifs avec des structures métalliques, s'inspirant de concepts utilisées dans la gamme spectrale des micro-ondes et des radars (parfois datant d'un siècle).

Nous suivons deux approches : large bande et résonante.

L'approche large bande, illustrée sur la figure 2, utilise des guides d'ondes à fente épaisse, sub-longueur d'onde. Ces guides d'ondes offrent plusieurs avantages pour l'étude des échantillons biologiques en spectroscopie THz. Ils confinent la lumière dans un mode aussi petit que l'écart sub-longueur d'onde entre les deux côtés métalliques, permettant une interaction efficace même avec des objets biologiques de taille très réduite. Nous utilisons son mode de premier ordre, qui est quasi-TEM et présente des pertes et une dispersion très faibles. De plus, ils possèdent la partie guidante est ouverte et les échantillons peuvent y être positionnés aisément, permettant une interaction directe avec le mode de lumière confiné. Enfin, ces guides d'ondes bénéficient de processus de fabrication planaire, les rendant compatibles avec une intégration microfluidique pour de futures applications bioanalytiques.

Pour coupler l'onde propagative entrante au guide d'ondes, nous l'avons couplée à une antenne planaire effilée engendrant cette forme qui lui donne son nom de "papillon". Le dispositif papillon peut atteindre un facteur d'augmentation de champ de 100 à 1000, selon la largeur du guide d'ondes. Cette amplification significative a joué un rôle crucial en nous permettant de mesurer le spectre large bande d'un échantillon minuscule (1 nL) de cristal moléculaire d'acide glutamique séché jusqu'à 3 THz.

L'approche résonante offre une stratégie complémentaire, non seulement en confinant la lumière dans l'espace, mais aussi en la recyclant dans le temps. Elle s'inspire des métasurfaces résonantes THz, qui sont des structures métalliques à motifs améliorant les interactions lumière-matière. Ces surfaces sont composées de blocs de construction répétitifs appelés méta-atomes. Dans notre recherche, nous utilisons un type spécifique de méta-atome appelé résonateur à anneau fendu (voir la figure 3). Ce résonateur peut être représenté comme un circuit LC, avec la boucle agissant comme l'inductance et la fente fonctionnant comme la capacité. Le champ électrique du mode résonant est fortement confiné dans un volume inférieur à λ³ à l'intérieur de la fente du résonateur à anneau fendu, conduisant à une augmentation de champ très importante. Cette aumentation de champ rend l'approche résonante très sensible à tout matériau placé dans l'écart.

Un défi clé dans l'utilisation de ces métasurfaces pour des échantillons biologiques est d'assurer un positionnement reproductible et repetable de l'échantillon à travers tous les méta-atomes. Pour résoudre ce problème, nous avons considérablement amélioré nos expériences de spectroscopie dans le domaine temporel (TDS). Nous les avons essentiellement transformées en un véritable microscope avec une taille de tache focal de (λ/2)×(f/D). Nous avons également développé une méthodologie complète pour améliorer le rapport signal/bruit et estimer avec précision les incertitudes dans nos expériences. Cette combinaison nous permet de mesurer des méta-atomes uniques de manière reproductible sur une large gamme de fréquences (plus d'une décade). De plus, l'augmentation de champ élevée (estimée à 10 000 à 100 000) nous a permis de réaliser une spectroscopie à bande étroite de l'acide glutamique sur un échantillon aussi petit que 15 fL – 10⁻¹³ mol.

Ces deux approches, large bande et résonante, posent les bases de nos futurs travaux. Nous allons étendres ces concepts, en y aoutant par exemple  l'intégration microfluidique et cryogénique. L'objectif ultime est d'améliorer encore les interactions lumière-matière à des échelles sub-longueur d'onde et d'atteindre le couplage fort, ouvrant la voie à de nouvelles expériences passionnantes non seulement pour sonder les macromolécules mais aussi pour agir sur celle-ci.